Histoire d’un stage d’initiation à la permaculture

par | 28 décembre 2021 | Vie de l'association | 2 commentaires

Résumé d'un weekend d'initiation à la permaculture, pour mieux comprendre l'atmosphère et le contenu de ces stages.

Temps de lecture : 13 minutes

9 et 10 octobre 2021, un local dans l’hyper-centre de Béziers, l’accueil souriant d’Adriana et Didier avec café et viennoiseries à disposition, une ambiance paisible entre la douzaine de personnes…Le stage de permaculture va commencer : deux jours durant lesquels Yan présentera les bases de la démarche, mêlant théorie et pratiques.

Attentif à l’état d’esprit de chaque stagiaire, Yan commence par s’informer des éventuelles fatigue et énergie ressenties. Puis, vigilant à mettre en place la  cohésion du groupe, il propose un exercice en binôme de quelques minutes : chacun se présente à l’autre, expliquant son parcours, ses raisons de participer à cette formation et ses attentes. Après quoi, chaque membre du binôme présente l’autre au groupe ; activer son esprit et mieux connaître les autres. Il semble que le dénominateur commun des personnes rassemblées soit un questionnement du modèle socio-économique actuel et la recherche d’un nouveau mode de vie basé sur des valeurs d’authenticité et de respect de l’humain comme de l’environnement. Quelques rires fusent. Le groupe se soude. Le travail peut commencer.

Première matinée : historique, définitions

Il s’agit d’abord d’élaborer une définition de la permaculture. Yan se garde bien de la donner d’emblée et propose que les membres du groupe disent à quelles notions ils associent le mot. De nombreuses propositions sont énoncées, écrites sur paperboard. Ainsi, tout le monde participe et la définition s’élabore ensemble. A partir des différents termes, dont certains seront approfondis et développés, on aboutit à une définition concentrant l’essentiel : «  La permaculture est une démarche éthique incluant une méthodologie basée sur l’observation du vivant dans un écosystème, afin de l’aménager et de transformer le rapport de l’humain au vivant, pour satisfaire les besoins humains durablement grâce au respect du vivant. » Certaines définitions de la permaculture sont plus claires et plus succinctes, mais l’important est que ce soit la définition qui convienne au groupe à ce moment-là !

Un constat : l’anthropocène

Après cette première approche, à l’aide de quelques diapositives, Yan propose un rapide historique de la permaculture. Il rappelle le constat de base : l’action humaine bouleverse le climat et la biodiversité. Nous vivons dans un monde aux ressources limitées et nous les surexploitons. Face à notre avenir fragilisé, voire incertain, les projections varient, depuis l’hypothèse d’une explosion technologique soi-disant salvatrice jusqu’à celle d’un effondrement écologique, politique et social en passant par une éventuelle stabilité technologique ou encore par une « descente énergétique » consentie et maitrisée. Cette dernière correspond à la démarche permacole. En effet, chaque citoyen français, même modeste, contribue à l’appauvrissement de la planète en pesant trop lourd au niveau carbone, simplement pour satisfaire ses besoins quotidiens. On sait aujourd’hui que les alternatives écologiques telles que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques supposent l’utilisation préalable de beaucoup d’énergies fossiles et posent, en plus, le problème de leur recyclage. Le nucléaire, lui, repose sur des énergies non renouvelables et crée des déchets dont la gestion pose questions. Le bois pollue s’il est mal brûlé et planter des forêts pour avoir du bois supprime autant d’espaces destinées aux cultures. Même le cheval demande à être nourri, lui aussi…donc la traction animale, c’est de la nourriture en moins pour les humains.

Les sources de la permaculture

C’est en Australie, au cours du 20ème siècle, qu’est née la permaculture avec Bill Mollison et son élève David Holmgren. Leurs ouvrages restent encore aujourd’hui des références très pertinentes. L’agriculteur et philosophe japonais Masanobu Fukuoka a beaucoup inspiré aussi en prônant l’absence de labours et de désherbages. Ainsi, il parvenait à obtenir de très bons rendements simplement en semant et en récoltant. L’Autrichien Sepp Holzer, à la même époque, s’attache à installer étangs et lacs pour créer des microclimats, parvenant ainsi à faire pousser des plantes totalement inconnues jusque-là dans sa région. L’Américain Eliot Coleman prône, de son côté, un maraîchage bio-intensif. Il cultive toute l’année, même avec -25°, sème dans chaque centimètre carré et obtient une productivité impressionnante sans mécanisation ni recours aux énergies fossiles, seulement grâce au travail manuel et un outillage novateur. De son côté, l’Australien Percival Alfred Yeomans effectue un travail de fond sur la question hydraulique. Le manque d’eau, crucial dans ce pays, l’amène à chercher les solutions optimales pour ne jamais en perdre une goutte, grâce à la gestion des dénivelés de terrain, si minimes soient-ils.

D’autres inspirations plus anciennes existent : la création des chinampas, surfaces cultivables créées dans des zones lacustres ; ou bien la culture simultanée de trois légumes différents qui se complètent et s’entraident pour grandir (La Milpa des sud-américains) ; on a également testé la technique des « 7 couches du jardin nourricier », dont les hauteurs décroissantes permettent au soleil de nourrir chaque strate, tout en ayant des services écosystémiques plus riches grâce à cette diversité d’étagement.

La convergence de toutes ces recherches un équilibre éthique entre le soin à apporter à la Terre, le soin à prodiguer aux humains et la création/distribution de surplus. Dans cette optique, le contexte et l’observation constituent la base incontournable avant d’envisager le design en permaculture, c’est-à-dire le dessin d’ensemble du projet, qui tient compte de toutes les interactions.

Le design en permaculture : une méthodologie pour bâtir des systèmes soutenables

Alors, comment faire ? Comment s’y prendre pour aboutir ? Paradoxalement, la première étape consiste précisément à ne rien faire ! Bien entendu, ne rien faire ne signifie pas être passif, au contraire. Il s’agit d’observer. Observer tout : les vents (leur force, leur direction, leur régularité, leur degré d’humidité…), la déclivité, le climat (éventuellement le microclimat à un endroit spécifique du lieu), la texture du sol (la proportion d’argile, de limon et de sable, qui conditionnera le choix des plantes), la conduction hydrique, la présence de micro-organismes, de la faune et de la flore avec les plantes bio-indicatrices, l’accès routier, les différents réseaux (téléphone, eau, électricité…), les contraintes administratives (PLU), la présence de voisins… Ce passage obligé par l’observation peut s’étendre, idéalement, sur une année complète.

Apparaissent alors d’elles-mêmes les limites matérielles, physiques, financières, voire administratives : on sait ce qui sera réalisable – ou pas – par rapport au rêve initial. Les objectifs une fois fixés constitueront des guides réalistes tenant compte de toutes les contraintes. On établit alors les interactions entre les différents éléments qui feront partie du système, c’est-à-dire les besoins et les productions de chacun des éléments, de façon à les rendre complémentaires. Les futures zones se dessinent d’elles-mêmes, en sorte de limiter les déplacements et d’économiser l’énergie humaine. Ainsi, par exemple, le poulailler sera installé à proximité de la maison, puis le potager (qui nourrira poules et humains), un peu plus loin sera le verger (auquel on accède moins souvent qu’au potager), et au plus loin, on respectera une zone sauvage dédiée uniquement à la biodiversité et dans laquelle on ne se rendra jamais.

La première matinée de travail s’achève sur ces considérations théoriques ; matinée effectuée en intérieur, qui va déboucher l’après-midi même sur des observations pratiques en extérieur.

Première après-midi

Gestion de l’eau et vie du sol

Après le repas tiré du sac, le groupe se retrouve chez Séverine et Jean, sur un terrain nu et pentu, ancienne vigne. Yan propose d’abord que chacun se promène pendant une vingtaine de minutes pour observer grâce aux sens, sans faire intervenir le mental. Quand le groupe se rassemble pour partager les sensations, les remarques les plus diverses abondent, soulignant la diversité du vivant sur un terrain. Par groupes de trois ou quatre personnes, les stagiaires sont invités à remplir la moitié d’un bocal avec de la terre ramassée à une dizaine de centimètres de profondeur. On complète avec de l’eau, on mélange bien en secouant le bocal et on laisse reposer. Deux heures plus tard (mais durant ce temps, d’autres activités ont été réalisées !), après décantation, on tente de déterminer le pourcentage de sable, de limon et d’argile pour prévoir la gestion future de l’eau et le choix des végétaux. La composition idéale entre les trois composants et de l’ordre d’un tiers chacun. Aérer la terre limite le ruissellement trop rapide de l’eau, favorisant ainsi la vie de la flore et de la faune. D’autre part, laisser en place les racines d’une plante qu’on enlève offre de l’espace pour l’eau comme pour l’air et favorise les niches écologiques. Contrairement à certaines habitudes ancestrales, il faut éviter de retourner la terre : ce procédé expose à l’air libre une vie souterraine qui s’en trouve amoindrie et fragilisée par le contact direct avec la pluie, le vent et le soleil. Et si cette pratique dope provisoirement la récolte, en réalité elle déminéralise le sol et détruit une partie de son capital nourricier. Tout est question d’équilibre et l’important, c’est de comprendre les tendances qu’ont nos pratiques sur le sol.

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Le groupe est également amené à observer les courbes de niveau sur ce terrain. Celles-ci renseignent sur le futur emplacement des barrages, baissières, réservoirs et canaux d’irrigation. Il s’agit toujours de freiner l’écoulement de l’eau pour favoriser son infiltration dans le sol. Le jargon permacole parle de « keyline », la ligne clé. Pour tracer une courbe de niveau, Yan invite les stagiaires à découvrir l’usage de l’antique « niveau égyptien », rudimentaire mais inusable et suffisamment exact. Le niveau laser aussi est proposé, plus fragile mais plus rapide !

L’après-midi de « travaux pratiques » s’achève. L’eau et la recherche de son utilisation optimale ont constitué le point central des observations.

Deuxième matinée

Pour débuter cette deuxième journée de stage, chaque stagiaire est invité à donner en une phrase sa « météo intérieure ». Il en ressort qu’à part quelques brumes matinales, le soleil perce déjà et le temps s’annonce beau ! Après quoi, on résume rapidement les acquis de la veille pour deux nouveaux venus et on commence le programme du jour. Yan présente quelques sites permettant l’accès à de précieuses informations pour mettre en place le design d’un terrain.

  • Google Earth Pro : grâce à ses vues satellites récentes avec les courbes de niveau, on peut établir une cartographie à l’aide de calques différents. L’altitude, le relief, le cadastre, la géologie deviennent ainsi des données accessibles. Tous ces éléments permettent de calculer la quantité d’eau qui arrive des alentours, et les emplacements où celle-ci va stagner. La répartition la plus judicieuse de l’eau est réfléchie en fonction des crêtes et des vallonnements. Baissières, mares, canaux sont prévus, avec l’éventualité d’un trop plein se déversant dans un emplacement faisant office de réservoir.
  • Contourmapcreator.urgr8.ch donne les courbes de niveaux
  • infoterre.brgm.fr signale par exemple les puits et les forages existants, information précieuse pour savoir s’il est envisageable de trouver de l’eau dans le sol.
  • Sunseeker est une application permettant de calculer l’ensoleillement été comme hiver. On peut ainsi déterminer le lieu le plus adapté pour placer et orienter une maison
  • « L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales » de Gérard Ducerf informe sur la qualité du sol et les processus évolutifs entre les plantes.
  • Tela Botanica permet un échange d’informations botaniques avec une dimension éthique dans le partage des connaissances.
  • Etc.

Une fois ces renseignements collectés, reste à savoir dans quel ordre installer les différents éléments du design !

Pour passer au concret, les stagiaires sont alors invités à constituer trois groupes autour de trois projets en cours : celui de deux stagiaires et celui-là même de Natura-Lien avec l’Oasis de Béziers. Utiliser les différents sites internet s’apprend, comme le reste ! Et du reste, ça ne remplace pas l’observation sur site. Chaque groupe adapte alors la théorie à un cas pratique, celui d’un terrain précis avec ses caractéristiques propres. Pas forcément simple mais stimulant car les projets prennent forme.

Deuxième après-midi

Nous sommes cette fois chez Danièle, qui accueille le groupe pour montrer ses réalisations. Sur son terrain d’un ha, 6.000 mètres carré sont exploitables et elle travaille un potager sur 300 mètres carré. Un puits alimente le tout. Danièle habite là depuis trois ans et s’attèle à restaurer peu à peu une biodiversité mise à mal par les pratiques précédentes. Son objectif est de faire cohabiter au mieux les humains, les animaux, les plantes et la biodiversité. Le résultat est déjà visible à l’œil nu, dès le premier abord, même par un néophyte ! Pas un cm carré de terre n’est laissé à nu, pas un brin d’herbe n’est jeté. Chaque végétal, sauvage ou cultivé, sert ; tout a sa fonction, sa place, son rôle. Se dégage immédiatement une sensation d’abondance et d’harmonie.

Elle laisse grandir les chénopodes qui poussent spontanément, pour les faucher à la fin de l’été, les broyer et étendre les débris qui enrichissent ainsi le sol. Les racines, laissées en terre, nourrissent celle-ci et améliorent la rétention d’eau. Un mûrier platane a été trogné. La retombée des longues branches favorise les niches écologiques et permet des tailles basses à la main. Dans la lignée du réseau Hortus, elle a constitué trois zones sur son terrain : une zone sauvage, une zone cultivée et une zone tampon, en jachère.

Les stagiaires plantent, dans le potager, quelques pieds d’épinards. Ils sont installés en quinconce tous les 11 à 15 cm pour augmenter la productivité. Certains plants sont mis entre les pieds de tomates. L’idéal est de constituer des plates-bandes de 80 cm de façon à travailler à l’aise de part et d’autre. Il est possible aussi de constituer des carrés de 1,20 m sur 1,20 m pour faire des expérimentations sur une petite surface. L’arrosage se fera souvent au début de la plantation, puis moins souvent pour encourager les racines à plonger dans le sol. On accompagne ainsi la croissance de la plante.

En fin d’après-midi les trois groupes de travail ayant réfléchi le matin chacun sur un projet, présentent leurs observations et leurs propositions de design. La gestion de l’eau revient comme le point central conditionnant les autres.

Afin que chacun puisse poursuivre sa recherche, Yan propose encore quelques références :

  • Brin de paille, réseau national de permaculteurs qui organise, entre autres, les rencontres nationales de permaculture, extrêmement riches.
  • Les CCP, Cours Certifiés de Permaculture, soit un enseignement qui dure environ 15 jours s’appuyant sur les bases de Bill Mollison.
  • l’Université Populaire de Permaculture, qui gère la formation de façon particulièrement rigoureuse et professionnelle.
  • Plus localement, nos amis de Humus Pays d’Oc, qui s’attache à créer des liens entre acteurs de la permaculture sur le département.

Le stage est terminé, chacun repart enrichi de nombreux apports théoriques et pratiques et de l’élan que donne la connaissance d’autres personnes partageant les mêmes valeurs.

2 Commentaires

  1. Baron

    Bonjour. Je suis intéressée par vos actions. Est il possible de venir sur le lieu pour observation et éventuellement initiation.
    Merci de me répondre.

    Réponse
    • Natura-lien

      Bonjour, le mieux que vous puissiez faire est de souscrire à notre newsletter et nous suivre sur Facebook afin de ne pas rater notre actualité. D’ici une semaine ou deux au plus tard nous ferons un appel général au public pour venir sur notre terrain fraichement acquis dans le cadre du projet Oasis.

      Nous prendrons ainsi le temps d’interagir ! 🙂 Bien à vous, Yan pour le collectif.

      Réponse

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